Haïku et senryû : deux genres poétiques aussi
proches qu’éloignés l’un de l’autre.
Deux poèmes minuscules : dix-sept syllabes, c'est-à-dire...
entre huit et quinze mots !
Ces deux genres se sont respectivement développés au
Japon à partir des XVII-e et XVIII-e siècles.
Le haïku : dix-sept syllabes distribuées en
trois séquences de cinq, puis
sept, puis cinq syllabes :
La rivière d'été
passée à gué, quel bonheur
savates à la main
Yosa Buson - 1716-1783 (trad. M.
Coyaud )
Le haïku est un genre avant tout descriptif, ce qu’on nomme en
littérature une " image visuelle ". C'est un poème souvent humoristique, mais
il peut
être triste ou mélancolique.
Le haïku peut être divisé en deux grands sous-genres. Le
premier peint la nature et chante les saisons. A travers elles, il permet
l'expression de tous les sentiments et de toutes les émotions.
Le second peut pratiquement aborder tous les sujets : il
excelle notamment à évoquer les banalités de la vie
quotidienne, les bonheurs minuscules, les petits tracas, les
choses qui n’intéressent personne... bref ! le haïku peut
être le poème de tous ceux qui n’ont rien à dire...
Aujourd'hui, au
Japon, le haïku fait florès dans toutes les couches de la
société et la grande presse publie régulièrement les poèmes
de ses lecteurs.
Le genre senryû, lui,
a été victime de la censure quelques décennies
après sa naissance. Et il ne s’en est jamais vraiment
remis... Pourquoi la censure ? C’est qu’il s’agit d’un
poème satirique. Il s'intéresse donc surtout à
la vie sociale ou aux gens en général. Il est percutant, moqueur et ne respecte rien ni
personne. Sa règle première c'est l'humour. Pas d'humour, pas de senryû
!
Plutôt qu'un poème au sens où on l'entend généralement, le senryû
est en fait une occasion de lâcher un bon mot sur les travers de la
société, d'asséner une rosserie bien
tournée à tel ou tel des acteurs sociaux ou politiques les plus en
vue, à tel groupe, bref, de provoquer... en dix-sept syllabes, toujours ! Mais à la différence
du haïku, ces dix-sept syllabes ne doivent pas forcément être réparties
en 5-7-5. Elles peuvent l'être librement :
La femme étant sagace
impossible de lui vendre les feuilles d’automne
Anonyme XVIII-e
s. (trad. J. Cholley )
Le senryû ayant pour principale vocation
de s’attaquer aux pouvoirs et aux idées dominantes,
j'estime qu'il peut espérer un bel avenir hors du
Japon, et peut-être en France plus que partout ailleurs.
Mais les thèmes du senryû sont aussi sexuels ou grivois.
Poème de la gauloiserie, il devrait donc se sentir également
plus qu’à l’aise dans l’Hexagone.
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